Émission du 9 mai 2022
Sexe et biodiversité : une écologie qui évolue
Le cincle d’eau douce est un oiseau plongeur ; mais il ne survivrait pas sans dénicher des larves de phryganes dans les gravières des torrents et tous ces petits insectes qui, se nourrissant de matières décomposées, épurent l’eau douce. L’évolution biologique des êtres vivants n’est pas seulement une biologie. La biodiversité est d’abord une écologie.
Nous savons combien toute la « théorie moderne de l’évolution » repose sur deux principes réactionnaires intangibles : d’une part, la survie des meilleurs et, d’autre part, le grand remplacement des gènes. Si la première proposition se fonde sur un eugénisme inhérent, sa seconde ascendance n’en est pas moins déconcertante. Mais c’est une troisième lapalissade qui interdit d’y réfléchir — car la théorie biologique, inspirée d’un ancestral darwinisme, reste une théorie incritiquable — : il est indéniable que les individus qui survivent possèdent des caractères qui les ont fait survivre ; par conséquent, tous les êtres vivants seraient issus d’une sélection naturelle indiscutable qui serait le moteur de l’évolution.
Néanmoins, la biodiversité réserve bien des surprises. Pourquoi y-a-t-il sur cette terre tant d’espèces vivantes ? Comment sont-elles apparues ? Car le tri des mauvais ne révèle rien de l’émergence des divergences et le terme confus d’adaptation paraît bien magique pour résumer la prétendue sélection du vivant. En outre, l’idéologie victorienne qui a fait apparaître le capitalisme imprègne complètement cette théorie réactionnaire.
Alors est-ce une réalité naturelle ou bien la biologie se fourvoie-t-elle dans des arcanes tendancieuses ? En tous les cas, une telle hypothèse mérite bien un petit examen. Car les espèces ne vivent pas seules sur notre petite planète et construisent des réseaux écologiques impénétrables. Le secret du vivant est tout entier contenu dans ces interrelations qui s’échafaudent. Même un papillon agit sur l’écologie des rivières. À n’en pas douter, la force structurante des interactions y est pour quelque chose et le sexe semble aussi y contribuer d’une manière éclatante. Les multiples sexualités animales brassent des différences si importantes qu’elles ont forcément quelque chose à jouer dans l’émergence de ces millions de variations.
Alors, pour appréhender le terrain du jeu du vivant et le rôle clandestin des sexualités, il est vraiment temps de faire émerger une théorie alternative. Toutes sciences avivent des doutes et des critiques et lorsque les fadaises de l’extrême-droite envahissent un pan de la réflexion, cela mérite une attention soutenue. Vous allez voir qu’en agitant nos petites cellules grises un autre monde apparaît. En quittant les hypothèses douteuses de la survie des meilleurs et du grand remplacement des gènes, il est enthousiasmant de découvrir combien l’évolution de la biodiversité est une écologie qui évolue, une écologie évolutive. Et cela change bien des choses.