Mais d’où vient le plaisir ?
Cela fait bien longtemps, depuis Aristote au moins, que l’on s’interroge sur la sensibilité animale. On a longtemps nié que les animaux puissent souffrir en dépit des évidences, mais aujourd’hui, la question semble enfin tranchée. Bien sûr que les animaux souffrent, la question posée par la biologie réductionniste reste de savoir à quel point cette souffrance peut être semblable à la nôtre.
Il est vrai que l’humain a tendance à placer son anthropomorphisme sur les sensations animales. L’aigle royal nous paraît fier et le lama boudeur. La physionomie de ces espèces nous renvoie à nos propres préjugés. Car la fierté apparente de l’aigle ou la moue fictive du lama ne sont liées qu’à la position physique de leurs arcades sourcilières sans ne témoigner d’aucun de ces sentiments. Quand le tigre nous paraît cruel, la baleine bleue nous semble pacifique alors qu’ils sont l’un et l’autre des farouches prédateurs.
Mais si on commence à admettre que les animaux ressentent la douleur, il en va autrement pour accepter qu’ils ressentent aussi du plaisir. Au premier chef, l’orgasme sexuel appartiendrait seulement aux humains. Pourtant ce n’est pas exactement ce que raconte l’évolution et la mise en place du plaisir. S’il reste délicat d’appréhender la jouissance de l’écrevisse ou la délectation amoureuse du ver de terre, la découverte des satisfactions sexuelles des bonobos a ouvert d’autres perspectives. Bien des espèces jouissent d’une sexualité débridée et il est désormais impossible de ne pas constater que les animaux cherchent aussi à se ravir d’expériences positives.
Le plaisir sexuel semble toutefois ne rien ajouter à la reproduction, on peut parfaitement se reproduire sans aucun plaisir. Alors pourquoi l’évolution aurait-elle gardé cet épisode tout à fait extraordinaire de la jouissance ? C’est que la sexualité ne se réduit pas aux prouesses reproductives en dépit de ce qu’affirment les superstitions religieuses ou les convictions darwiniennes. D’ailleurs, nombre d’espèces exposent largement leurs aspirations au plaisir. Sexualités et reproductions jouent des partitions bien différentes, et masturbations, fellations ou cunnilingus sont pratiquées par toutes sortes d’espèces. Les animaux peuvent additionner les actes sexuels en dehors de toute évidence reproductive. Beaucoup vont encore plus loin en multipliant les partenaires et affichent des amours tout aussi libertines que libertaires.
L’amour libre est-il génétiquement transmissible ? Alors, après cette année exceptionnelle de privation qui a bouleversé nos programmes, il est peut-être temps de comprendre d’où vient le plaisir et ce que la biologie a à nous en dire. Et comme nous sommes sur Radio Libertaire, la radio de la Fédération Anarchiste, en pénétrant cette histoire de la jubilation, nous allons nous amuser à en tirer les ficelles.